CLIMAT : Comment faire baisser la température des villes africaines ?

Le réchauffement climatique fait monter les températures de manière exponentielle dans les villes du continent. Des solutions simples et naturelles existent pourtant pour rafraîchir le quotidien de millions d’Africains.

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Les habitants des villes africaines suffoquent. Déjà parmi les régions les plus chaudes du monde, l’Afrique subsaharienne connaît une urbanisation fulgurante et souvent incontrôlée, qui aggrave les effets du changement climatique, tant elle transforme les villes en Cocotte-Minute. En mars 2024, le Mali avait été frappé par une vague de chaleur sans précédent, provoquant des dizaines de décès, et des milliers de malaises. La ville de Kayes, dans le sud-est du pays, avait frôlé les 49 °C. Et ce n’est que le début : selon le Giec, le continent sera particulièrement exposé aux vagues de chaleur extrêmes dans les prochaines décennies.

Vagues de chaleur record en Afrique : le changement climatique sur le banc des accusés

De ce fait, les villes africaines font face à un phénomène bien connu, mais aux conséquences sous-estimées : les îlots de chaleur urbains (ICU). Ce terme désigne les zones urbaines où les températures sont nettement plus élevées que dans les zones rurales alentour – souvent de 5 à 10 °C de plus, notamment la nuit.

Pourquoi une telle différence ? Parce que les matériaux utilisés en ville – béton, bitume, tôle – absorbent la chaleur le jour et la restituent lentement la nuit. Les bâtiments sont rapprochés, les rues souvent étroites, limitant la ventilation naturelle. Surtout, la végétation manque cruellement. À cela s’ajoute l’effet pernicieux de la climatisation. Elle rafraîchit les intérieurs, mais réchauffe davantage l’extérieur en rejetant de l’air chaud. Une situation qui provoque une spirale néfaste : la température globale augmente dans les villes, entraînant une surconsommation énergétique, donc plus d’émissions… et par conséquent plus de chaleur.

Températures mortelles

À cela s’ajoute, l’étalement urbain. Les villes africaines s’étendent en surface au lieu de se densifier, ce qui augmente les besoins en transports motorisés et en énergie, tandis que les surfaces artificialisées gagnent du terrain.

Cette chaleur urbaine tue. Et généralement les plus vulnérables. Au Kenya, une étude a montré qu’il faisait jusqu’à 6 °C de plus dans les bidonvilles de Nairobi que dans les autres quartiers de la capitale. Ces températures extrêmes affectent également la productivité des employés, en particulier pour celles et ceux qui travaillent en extérieur. Agriculture, BTP et métiers du secteur informel… Selon l’Organisation internationale du travail, en l’Afrique de l’Ouest, le stress thermique pourrait entraîner l’équivalent d’une perte de 8,9 millions d’emplois d’ici à 2030.



L’arbre, le meilleur climatiseur

Aussi simple que cela puisse paraître, une des solutions les plus efficaces, bon marché et durable est la végétalisation. Planter des arbres, végétaliser les toitures et les trottoirs, créer des ceintures vertes, des parcs urbains ou des jardins partagés permet de réduire la température locale de plusieurs degrés.

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ? L’ombre fournie par les arbres empêche les surfaces urbaines de surchauffer. L’évapotranspiration — la « transpiration » des plantes — rafraîchit l’air ambiant. Les sols végétalisés absorbent moins de chaleur que le bitume ou le béton. La végétation améliore la ventilation naturelle, en réduisant l’effet « canyon thermique ».

Matériaux locaux : bâtir en rafraîchissant

Autre levier d’adaptation : l’architecture, en repensant le choix des matériaux et la conception des bâtiments. La généralisation du béton et de la tôle, peu adaptés au climat africain, doit laisser place à des solutions plus adaptées aux réalités locales. La terre crue — adobe, banco, pisé — revient en force, notamment en Afrique de l’Ouest. Elle a une forte inertie thermique, c’est-à-dire qu’elle stocke la fraîcheur et retarde la montée en température. Elle permet aussi une meilleure ventilation naturelle. Elle est, en outre, disponible localement, peu coûteuse, et sa fabrication émet peu de carbone.

Le retour aux sources des architectes africains

Bien qu’il soit techniquement difficile de se passer totalement du béton, du ciment ou de l’acier dans la construction, tant ils sont efficaces et résistants, il est possible d’en diminuer drastiquement l’usage, en conservant ces matériaux pour ériger les fondations et les structures, et en utilisant des matériaux locaux et bioclimatiques pour le reste. Le bon matériau, au bon endroit.

Au-delà des solutions permettant de lutter contre ces températures extrêmes, c’est en réalité toute la manière de penser la ville africaine qu’il faudrait réinventer. Des villes plus vertes, plus perméables, plus « locales » et plus sobres. Cela implique de reconnecter l’urbanisme africain aux savoir-faire traditionnels, d’impliquer davantage les habitants dans la conception des plans de développement, et de faire de la fraîcheur un « droit urbain fondamental ». Planter un arbre, c’est déjà poser une climatisation naturelle. Bâtir en terre, c’est déjà construire pour demain.

En amont du sommet Change Now, qui se tient à Paris du 24 au 26 avril 2025, et dont Jeune Afrique Media Group est partenaire, nous vous proposons une série d’infographies consacrées aux solutions africaines au dérèglement climatique.

Lutte contre le réchauffement, méthode permettant d’améliorer la sobriété énergétique ou encore techniques d’adaptation aux conséquences, prévisibles ou déjà prégnantes, de la crise climatique en cours… L’Afrique, continent qui pollue le moins, mais dont les populations paient le plus lourd tribut économique et social à la crise climatique, regorge en effet de pionniers – militants associatifs, entrepreneurs, décideurs politiques – qui mettent en œuvre des solutions alternatives.

Jeune Afrique

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