Alors que la transition énergétique s’accélère à l’échelle mondiale, le manque de compétences techniques freine sa mise en œuvre. En Afrique, cette pénurie offre aussi une opportunité unique de création d’emplois qualifiés et durables, à condition d’investir massivement dans la formation.
Le monde avance vers une transition énergétique de plus en plus urgente, mais une nouvelle réalité s’impose : ce ne sont pas seulement les infrastructures ou les financements qui manquent, mais plutôt les compétences humaines. Le rapport Fostering Effective Energy Transition 2025, publié le 18 juin par le World Economic Forum (WEF), tire la sonnette d’alarme : sans une main-d’œuvre qualifiée, les objectifs mondiaux en matière d’énergie propre resteront inaccessibles.Et si l’Afrique, souvent perçue comme vulnérable dans cette course énergétique, avait justement là une carte à jouer ?
« C’est une opportunité unique pour le continent : avec plus de 10 millions de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, l’Afrique a le vivier humain pour devenir une locomotive mondiale de l’énergie propre, » explique Dr Assétou Diallo, experte en politiques énergétiques au sein de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA).
Un potentiel immense, mais des obstacles persistants
Selon les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le secteur mondial de l’énergie comptait 67 millions d’emplois en 2023, mais les employeurs peinent à trouver des techniciens, des ingénieurs ou des ouvriers spécialisés pour les projets solaires, éoliens ou de réseaux intelligents. En Afrique, les besoins sont particulièrement criants. Une enquête récente menée au Nigeria par l’entreprise Husk Power Systems, qui développe des mini-réseaux solaires, révèle que les compétences locales manquent cruellement, notamment en électricité, mécanique ou génie civil, ralentissant l’exécution de nombreux projets. Ibrahim Konaté, directeur technique de l’Académie de Formation en Énergies Renouvelables (AFER) à Abidjan, en Côte d’Ivoire, confirme : « Nous avons des centaines de projets en attente, mais trop peu de techniciens formés pour les déployer. Il faut que les États investissent dans des centres de formation spécialisés, avec des cursus adaptés aux réalités du terrain. »
Former aujourd’hui pour électrifier demain
Le rapport du WEF pointe du doigt un paradoxe : les pays à faible revenu — en particulier en Afrique subsaharienne — concentrent la plus forte croissance de la demande en énergie, mais peinent à y répondre faute d’un capital humain préparé. Pour y remédier, la formation technique, les certifications professionnelles et les partenariats public-privé sont désignés comme des leviers essentiels. Dr Hervé Dossou, consultant en développement durable et ex-coordonnateur de projet à Power for All, souligne : « Il faut décloisonner la formation énergétique. On peut parfaitement requalifier des profils de la filière pétrole ou bâtiment vers les renouvelables avec des modules courts et pratiques. C’est aussi une voie vers des emplois mieux rémunérés. »
Une responsabilité partagée entre gouvernements, entreprises et partenaires internationaux
La transition énergétique en Afrique ne se fera pas uniquement avec des panneaux solaires et des turbines. Elle repose sur la capacité du continent à anticiper, former et déployer une nouvelle génération de professionnels de l’énergie verte. Dr Monica Mugisha, responsable Afrique de l'Est chez Clean Energy Skills Africa, conclut : « Il ne suffit pas d’avoir des projets solaires ou éoliens. Il faut des électriciens capables de les installer, des ingénieurs pour les optimiser, des techniciens pour les entretenir. C’est une révolution humaine avant tout. »