Malgré une progression significative des énergies renouvelables, les émissions de CO₂ issues du secteur énergétique atteignent un nouveau record en 2024. Le dernier rapport de l’Energy Institute alerte sur une décarbonation encore largement insuffisante face à l'urgence climatique.
Alors que le monde s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, le constat est sans appel : la dépendance mondiale aux énergies fossiles reste tenace. Selon le Statistical Review of World Energy 2025, publié le 26 juin par Energy Institute en collaboration avec les cabinets KPMG et Kearney, les émissions de CO₂ du secteur énergétique ont atteint 40,8 gigatonnes en 2024 – un record historique pour la quatrième année consécutive. « Ce chiffre doit alerter les décideurs : l’accélération des renouvelables est une bonne nouvelle, mais elle ne compense pas encore la croissance continue de la demande énergétique mondiale, alimentée majoritairement par le charbon, le gaz et le pétrole, » avertit Dr Élodie Marchand, analyste climat-énergie à l’Institut français du développement durable (IFDD).
Le rapport met en lumière une progression de 16 % des capacités installées en solaire et en éolien à l’échelle mondiale en 2024, portée notamment par la Chine qui représente 57 % des nouvelles installations. Mais cette croissance demeure insuffisante pour provoquer un basculement structurel du mix énergétique global. « Tant que les combustibles fossiles représentent plus de 60 % de la croissance de la demande énergétique, la transition restera largement théorique, » insiste Professeur Kwame Badoe, spécialiste en énergie durable à l’Université de Lagos.
En parallèle, la demande de charbon a encore progressé de 4 %, celle de gaz naturel de 2,5 %, confirmant que les fossiles restent incontournables pour répondre à une consommation mondiale en hausse, notamment dans les économies émergentes.
Ces chiffres jettent une ombre sur les engagements pris lors de la COP28 de Dubaï en décembre 2023, où les États s’étaient engagés à amorcer une sortie des énergies fossiles. La réalité du terrain en 2024 montre que les actions ne sont pas encore à la hauteur des discours. « L’après-COP28 exigeait des mesures structurantes pour sortir des combustibles fossiles. Or, nous assistons encore à une course à la croissance énergétique sans transformation profonde des sources d’approvisionnement, » déplore Fatima El Maktoum, directrice Afrique du Nord de Climate Action Network.
Les pays en développement, où l'accès à l’énergie reste un défi quotidien, sont souvent pointés du doigt pour la croissance de la consommation fossile. Mais pour ces États, l’urgence est ailleurs : fournir une énergie accessible, stable et bon marché à des populations en forte croissance.« On ne peut pas parler de transition énergétique sans parler d’équité. Les pays du Sud n’ont pas encore atteint leur pic de consommation et ne peuvent pas suivre les mêmes trajectoires que les pays du Nord, » rappelle Dr Issa Diabaté, économiste de l’énergie au Centre africain d’études sur le climat et l’énergie (CAFÉCE).
Alors que le monde s’enfonce dans une urgence climatique, le rapport invite à une approche différenciée mais coordonnée : investir massivement dans les renouvelables tout en assurant une transition équitable et réaliste pour les pays les plus vulnérables.« La décarbonation mondiale ne sera pas un sprint mais une série de marathons coordonnés. Le vrai défi est politique et économique, plus encore que technologique, » conclut Marianne Keller, consultante chez Kearney et co-autrice du rapport.