La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a tranché. Deux fournisseurs d’électricité alternatifs, Mint et BCM Energy, ont été lourdement sanctionnés pour abus du droit d’accès à l’électricité nucléaire historique (Arenh), dans un contexte de flambée des prix de l’énergie entre 2021 et 2022. Les sanctions financières s’élèvent respectivement à 3,5 millions d’euros pour Mint et 3 millions d’euros pour BCM Energy, selon une annonce officielle faite ce jeudi 10 juillet 2025.
Yélian Martine
Ces décisions sont le fruit d’enquêtes rigoureuses menées par le régulateur du secteur énergétique français. En effet, dès la fin de l’année 2022, puis début 2023, la CRE avait lancé deux investigations distinctes sur les pratiques de ces fournisseurs à la suite de soupçons d’utilisation abusive du mécanisme de l’Arenh. Ce dispositif, mis en place sous la pression de la Commission européenne, oblige EDF à céder une partie de sa production nucléaire à ses concurrents à un tarif préférentiel, afin d’introduire plus de concurrence sur le marché de l’électricité.
Selon les conclusions du CoRDiS, le comité de règlement des différends et des sanctions de la CRE, les deux fournisseurs ont détourné l’esprit de ce mécanisme. Plutôt que d’utiliser l’électricité nucléaire bon marché pour approvisionner leurs clients comme le prévoit le dispositif, Mint et BCM Energy l’auraient en grande partie revendue sur les marchés de gros, à un prix bien supérieur, profitant ainsi des tensions survenues sur le marché énergétique européen à partir de 2021.
Plus précisément, Mint est accusée d’avoir volontairement augmenté les tarifs pour ses clients, provoquant une réduction de son portefeuille de consommateurs. Libérée de ses engagements contractuels, la société a ainsi pu réinjecter sur le marché l’électricité Arenh dont elle disposait, engrangeant des bénéfices au passage.
Du côté de BCM Energy, la CRE lui reproche d’avoir demandé de l’Arenh sans disposer de la clientèle correspondante, ce qui contrevient aux règles strictes du dispositif. L’entreprise, spécialisée dans l’agrégation d’énergie verte, a toutefois annoncé dans un communiqué son intention de porter l’affaire devant le Conseil d’État. Elle affirme que sa demande d’Arenh reposait sur un portefeuille client réel, mais que celui-ci aurait été « en partie perdu de manière totalement subie ». Elle précise également avoir remboursé les volumes non consommés « via les mécanismes prévus à cet effet ».
La CRE n’en est pas à sa première sanction dans ce domaine. En juillet 2024, le fournisseur Ohm Energie avait déjà écopé d’une amende record de 6 millions d’euros pour des faits similaires. Ces affaires illustrent les dérives potentielles des fournisseurs alternatifs, notamment lors des périodes de tensions sur les prix de gros, comme cela a été le cas durant la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine et la reprise économique post-Covid.
Face à ces abus, la CRE a renforcé sa surveillance sur les fournisseurs alternatifs, qui bénéficient indirectement d’une forme de subvention à travers l’accès à l’électricité nucléaire à bas coût. Pour Emmanuelle Wargon, présidente de la CRE, ces enquêtes « démontrent le rôle essentiel de vigie exercé par la CRE sur le marché de détail », pour garantir que « l’ensemble des acteurs respectent la réglementation en vigueur ».
Ces sanctions interviennent alors que le gouvernement réfléchit à une réforme plus globale du dispositif Arenh, prévu pour s’achever en 2025. Dans un marché de l’électricité en pleine mutation, marqué par la transition énergétique et la montée en puissance des énergies renouvelables, ces décisions envoient un message clair aux fournisseurs : la recherche de profit ne doit pas se faire au détriment de l’éthique et des consommateurs.