WASHINGTON DRESSE LE BILAN DU CLIMAT DES AFFAIRES AU BÉNIN : Entre dynamisme et fragilités

Le Département d’État américain a publié, le 26 septembre 2025, son rapport annuel sur l’environnement de l’investissement dans plus de 170 pays. Dans cette édition, le Bénin se distingue comme l’une des économies les plus dynamiques d’Afrique de l’Ouest, portée par une croissance robuste et des réformes structurelles. Cependant, l’analyse met également en lumière des vulnérabilités persistantes liées à la gouvernance, à la justice et aux menaces sécuritaires dans le Nord du pays.

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Une croissance soutenue et un pari industriel assumé

Avec un taux de croissance de 7,5 % en 2024, le Bénin s’impose comme une locomotive économique dans la sous-région. Cette performance est notamment attribuée à la stratégie de transformation industrielle engagée par le gouvernement. La Zone industrielle de Glo-Djigbé (GDIZ) incarne cette ambition : elle attire de plus en plus d’investisseurs étrangers grâce à un positionnement clair sur la transformation locale de matières premières comme le cajou, le soja, l’ananas, le karité ou encore le textile.

L’objectif affiché est double : créer de la valeur ajoutée sur place et réduire la dépendance aux exportations brutes. À terme, le « made in Benin » veut rivaliser sur les marchés internationaux et générer des milliers d’emplois pour la jeunesse, qui constitue plus de 60 % de la population.

Le rapport souligne également le rôle de la Zone logistique africaine (ZLA), adossée au port de Cotonou, dans la fluidification des échanges régionaux. Cette infrastructure vise à positionner le pays comme un hub incontournable du commerce sous-régional, renforçant ainsi son attractivité auprès des investisseurs.

Pour Washington, ces initiatives traduisent « un dynamisme industriel rare en Afrique de l’Ouest », même si elles ne suffisent pas à effacer toutes les inquiétudes liées à la gouvernance et à la stabilité politique.

Des incitations fiscales compétitives

Le document de 28 pages met en avant les avantages fiscaux proposés aux investisseurs. Parmi eux, des exonérations d’impôts allant de 5 à 17 ans selon la nature et l’emplacement des projets, ainsi que des allègements de charges sociales pour favoriser l’embauche. Les zones économiques spéciales, à l’image de la GDIZ, bénéficient d’un régime encore plus incitatif.

L’Agence de promotion des investissements et des exportations (APIEx) est saluée pour ses réformes visant à simplifier et digitaliser les démarches administratives. Grâce à la plateforme monentreprise.bj, il est désormais possible de créer une société en seulement deux heures, une prouesse qui rapproche le Bénin des standards internationaux.

Ces instruments renforcent l’image d’un pays compétitif et accueillant. Toutefois, Washington rappelle certaines limites, notamment l’absence d’accord fiscal bilatéral avec les États-Unis, qui expose les entreprises américaines à une double imposition. De plus, la place prépondérante du secteur informel, estimée entre 80 et 90 % de l’économie, reste un frein à l’application uniforme des règles fiscales et à la mobilisation des recettes publiques.

Gouvernance et sécurité : les angles morts

Au-delà des performances macroéconomiques, le rapport insiste sur les défis liés à la gouvernance. Le système judiciaire béninois est perçu comme lent et vulnérable aux pressions politiques. Les condamnations de plusieurs figures de l’opposition en 2021 sont citées comme des exemples ayant nourri les doutes sur l’indépendance de la justice.

La corruption est également mise en cause, en particulier dans les services douaniers et les procédures de passation des marchés publics. Ces pratiques alimentent un climat d’incertitude pour les entreprises étrangères, soucieuses de transparence et de sécurité juridique.

À cela s’ajoute la montée des menaces terroristes dans le Nord. Les attaques de groupes affiliés à al-Qaïda et à l’État islamique affectent directement la stabilité des zones frontalières et constituent une menace sérieuse pour les infrastructures économiques et les projets de développement.

Les atouts d’un pays en transition

Malgré ces contraintes, Washington reconnaît plusieurs forces structurelles du Bénin. La jeunesse de sa population, la montée en puissance d’infrastructures modernes et la clarté de sa stratégie industrielle offrent de solides perspectives de croissance.

Le soutien des partenaires techniques et financiers reste un autre point positif. La Banque mondiale a approuvé fin 2024 un financement de 635,5 millions d’euros destiné à renforcer la résilience économique et sociale du pays. Ce type d’appui témoigne de la confiance de la communauté internationale dans la trajectoire économique béninoise. Le pays est également perçu comme relativement stable sur le plan macroéconomique, avec une gestion rigoureuse des finances publiques et une politique d’endettement maîtrisée.

Un potentiel conditionné par les réformes

En conclusion, le rapport du Département d’État estime que le Bénin a incontestablement gagné en attractivité et figure aujourd’hui parmi les destinations d’investissement les plus prometteuses d’Afrique de l’Ouest. Cependant, sa consolidation comme hub industriel et logistique régional dépendra de trois conditions majeures : le renforcement de l’État de droit et de l’indépendance de la justice, une lutte plus ferme contre la corruption, et la sécurisation durable des frontières nord face aux menaces terroristes.

À l’heure où le pays ambitionne de s’imposer comme un acteur majeur dans la chaîne de valeur mondiale, ces réformes apparaissent cruciales pour rassurer les investisseurs et garantir la durabilité du modèle économique béninois.

Pour Washington, le Bénin est sur la bonne voie, mais le véritable défi reste d’aligner ses ambitions industrielles et logistiques avec une gouvernance irréprochable et une stabilité renforcée.


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